Comme un ouragan

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Il est « l’ouragan » de la chanson de Bob Dylan, un boxeur poids moyen qui a passé dix-neuf ans en prison pour un crime qu’il n’a pas commis. Mais qui est vraiment Rubin Hurricane Carter ? 

« Une tête rasée, une moustache proéminente, un regard fixe et une carrure massive le rendaient intimidant sur le ring bien avant qu’un tel look ne devienne monnaie courante », selon le New Jersey Boxing Hall of Fame. Les boxeurs ont souvent des surnoms à vous mettre KO : Jack La Motta, le taureau du Bronx ; Bernard Hopkins, l’exécuteur ; Rubin Carter est rebaptisé Hurricane : l’Ouragan. Avec son mètre soixante-treize, il est plus petit que les autres poids moyens mais il possède un coup de poing à vous assommer un bœuf : 47.5 % de victoires par KO en quarante combats.

Le seizième round

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« Dans ma jeunesse, raconte Rubin Carter, pour un Noir américain l’alternative était simple : être criminel ou entertainer ». Lui va devenir boxeur. Le combat du gamin pauvre de Clifton (New Jersey) a commencé à l’extérieur du ring. Dans les années soixante, les Afro-Américains luttent pour la reconnaissance de leurs droits. Martin Luther King ou Malcolm X s’imposent comme des leaders. Ils sont la voix d’une minorité bafouée. « Les temps sont en train de changer » chante Bob Dylan. Et les temps vont mal tourner pour Rubin l’Ouragan. « Voici l’histoire de Hurricane / L’homme que les autorités accusent / Pour quelque chose qu’il n’a jamais fait / Ils l’ont mis en cellule / Mais jadis il aurait pu être champion du monde ». En 1975, la chanson « Hurricane » de Bob Dylan s’inspire de l’histoire de Carter et de son autobiographie, « le seizième round ».  L’artiste y brosse le portrait tragique d’une gloire de la boxe fauchée en pleine ascension. En réalité, l’Ouragan s’est essoufflé bien avant d’être emprisonné. Depuis ses débuts en 1961 comme boxeur pro, Hurricane a disputé quarante combats. Il en a gagné vingt-sept. En 1963, il apparaît troisième dans le top dix des boxeurs en vue de Ring Magazine. Après avoir mis KO Florentino Fernandez en soixante-neuf secondes, il bat Emile Griffith, le champion du monde en titre. Le 14 décembre 1964 à Philadelphie, il est à deux doigts de décrocher un titre mondial. « Difficile de dire qui sera le vainqueur » commente le journaliste en direct à la télévision. Le quatorzième et avant-dernier round touche à sa fin. Carter, le challenger, est face au champion du monde des poids moyens, Joey Giardello. Un grain de poussière va venir bloquer l’engrenage : à la fin du quinzième round, ce dernier est unanimement déclaré vainqueur par les juges. Dès lors, la carrière de Carter bat de l’aile. A partir de 1965, il accuse sept défaites sur vingt rencontres. De troisième dans le classement de Ring Magazine, il passe neuvième en 1966. Pas totalement fini, mais pas au meilleur de sa boxe.

Entre les murs

Sa carrière de boxeur n’a duré que cinq ans. 1966 : triple meurtre dans un bar du New Jersey. Carter  est arrêté. Il a vingt-neuf ans. La police n’a que très peu de preuves. Aucun des témoins ne reconnaît formellement le boxeur. Aucun sauf Alfred Bello qui va changer souvent de version. À son premier procès en 1966, l’accusé est condamné à trois peines de perpétuité, une pour chaque victime. La porte sur sa vie de boxeur est fermée, une autre vient de s’ouvrir.  Il va passer dix-neuf ans dans la prison d’état de Trenton. Soutenu par des personnalités comme Mohammed Ali, il est définitivement libéré en 1985. Son histoire suscite encore de vives polémiques. Est-il innocent ou coupable ? Un journaliste de l’Herald News, Cal Deals, a monté tout un site internet pour prouver sa culpabilité. Mais l’opinion générale est plutôt en faveur de Rubin Carter, quitte à embellir la réalité. Depuis sa libération, il a utilisé son expérience en aidant d’autres innocents injustement accusés. « Quand j’étais en prison, tout ce que je voulais c’était survivre. Maintenant, quarante-et-un ans plus tard je suis double docteur [ndlr : docteur en droit de l’université de York (Toronto, Canada) et de Griffith (Australie) à titre honorifique]». En 1993, Le World Boxing Council lui a décerné le titre honorifique de champion du monde, vingt-neuf ans après sa défaite contre Giardello.

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